Lathlaeril est un Elfe qui travaille dans les champs avec sa famille. Son milia à son oreille droite montrait qu’il était un heureux razna et que son couple avait accueilli récemment un bébé. Il avait hâte de le voir grandir mais l’inquiétude rongeait également son cœur. Ses parents lui avaient donné une terre à cultiver pour nourrir sa famille, mais la travailler pour qu’elle soit bien organisée et abondante prenait trop de temps. Il voulait avoir de grands arbres fruitiers, des allées bien marquées, un pont de bois fait des racines des chênes qu’il avait plantés... De peur de ne pouvoir subvenir correctement aux besoins de sa famille comme à ceux de son village, il décida de rejoindre le cœur de la forêt pour prier Fysi de toutes ses forces afin de faire pousser ses arbres et ses récoltes plus vite.
La divinité apparut devant lui, magnifique et resplendissante. À ses yeux, l’apparence masculine lumineuse était une parfaite représentation de sa foi. Fysi accepta de lui venir en aide, mais pas sans effort de sa part : il allait devoir relever plusieurs épreuves. Lathlaeril était extatique et accepta aussitôt avant de demander quelle était la première. Fysi s’exprima ainsi :
― Gravis les plus hautes montagnes du pays et rapporte-moi un shooka. C’est un fruit rare de couleur pourpre et ambrée qui pousse dans des buissons épineux au milieu de la neige immaculée.
― Tout ce que vous désirez, j’irais vous le quérir !
L’Elfe partit sans plus attendre explorer les montagnes pendant des lunes entières. Il avait plusieurs fois rencontré la faune courroucée par sa présence sur son territoire et avait dû faire face au froid glacial ainsi qu’au manque d’oxygène en haute altitude. Sa détermination paya lorsqu’il trouva enfin le fruit tant désiré qu’il mit dans son sac avant de retourner dans la forêt. Une fois sur place, il se sentit fortement embarrassé de constater que le fruit avait pourri. Fysi apparut et rit doucement.
― Les denrées de notre si belle planète ne sont point éternelles, ainsi va la vie. Peut-être est-il préférable de penser autrement, jeune enfant.
Lathlaeril se confondit en excuses et demanda la prochaine épreuve en promettant de la réussir. Fysi le regarda un instant, ses cheveux crépus vert feuille décorés de milles végétaux dansant lentement au gré du vent. Enfin, il ouvrit la bouche.
― Rapporte-moi une fleur de cristal du lac de Shikymra.
C’était un long voyage, mais ces fleurs étaient connues pour ne jamais faner. Enhardi, l’Elfe accepta et entreprit son périple. Il se rendit au port et navigua au travers des tumultes de l’océan jusqu’à ces contrées étrangères où il fit face au choc culturel. Les Rokaths ne l’aidèrent point et ne lui firent pas non plus bon accueil. Tous trouvaient sa quête stupide et lui conseillaient de réfléchir avant d’agir. Lathlaeril fit la sourde oreille et se débrouilla par ses propres moyens pour trouver le lac sacré. Il se perdit en chemin, rencontra des animaux comme des karapots fantastiques et majestueux, mais également vénéneux. Une caravane de Chorreda le sauva d’une mort certaine et en remerciement, il accepta de leur réparer quelques vêtements.
Le temps passé avec eux lui permit d’apprendre leur langue et leurs incroyables coutumes. Sa tâche accomplie, un Chorreda lui donna généreusement la bonne direction en signe d’amitié et il put se rendre jusqu’au lac tant désiré. Sur le bord de l’eau, il découvrit la bioluminescence des nombreuses fleurs faites de cristal bleuté légèrement translucide. Avec beaucoup de précaution, il en cueillit une et remercia Shikymra en déposant des fruits dans l’eau afin de nourrir les poissons du lac.
Il se rendit au port, avec plus de facilité désormais qu’il connaissait le pays, et retourna sur la terre qui l’avait vu naître. Fou de joie, il courut dans la forêt jusqu’à l’endroit habituel en appelant Fysi. Cependant, lorsqu’il sortit la fleur de sa besace, elle était brisée. La divinité rit doucement, comme la première fois.
― Même si nous pensons que certaines choses peuvent durer éternellement, elles n’en restent pas moins fragiles. N’est-il pas merveilleux d’apprécier l’instant présent pour ce qu'il est ? dit la divinité.
― Auriez-vous une autre épreuve ? demanda timidement l’Elfe embarrassé. Je les relèverais toutes.
Fysi réfléchit un instant, les fleurs autour de lui naissant et mourant dans un cycle infini. Enfin, il prit la parole.
― Dompte un kazan blanc et mène-le jusqu’ici.
Il se mordit la lèvre inférieure avec anxiété. Ces bêtes étaient réputées pour être fières et sauvages, même les Rokaths étaient tenus en respect face à elles. Déterminé, il accepta malgré tout et partit aussi vite que possible pour parler aux Rokaths de ce continent. Le peuple de Kettoss était sceptique quant à sa quête, mais ils ne l’empêchèrent pas d’essayer. L’un de leurs chasseurs éduqua Lathlaeril sur les kazans pendant plusieurs cycles avant de le mener jusqu’à un spécimen blanc encore sauvage. L’Elfe usa de tout ce qu’il avait appris et essaya d’amadouer l’animal : nourriture, présence pacifique et chant. Rien ne fonctionnait.
Un beau jour, le kazan blanc fut pris pour cible par des karapots, il lui vint donc en aide et l’empêcha d’être dévoré. L’animal était gravement blessé, il prit donc soin de lui jusqu’à son total rétablissement. Une forte amitié naquit entre eux, mais il n’était toujours pas autorisé à monter sur son dos. Heureux et reconnaissant, il ne força pas l’animal et lui demanda de le suivre. Tous deux se rendirent jusqu’à la forêt de son village pour rencontrer Fysi. Il présenta fièrement le kazan que la divinité caressa tendrement.
― C’est une bête magnifique, en effet. Tu as réussi ton épreuve.
― Vraiment ? Vous allez faire de mes terres un jardin florissant ?
― Je n’ai point besoin d’agir.
Surpris, Lathlaeril le dévisagea quelques secondes et se sentit quelque peu blessé par ce qu’il pensait être une soudaine trahison.
― Pardonnez-moi, mais comment ça ?
― Mon enfant, ton voyage pour combler ton impatience a duré des cycles entiers. Honorable est ta détermination, mais le prix que tu as payé en vaut-il la peine ?
Bouché bée, il sentit la panique l’envahir lorsqu’il réalisa depuis combien de temps il avait quitté son foyer. Sans plus de cérémonie, il rejoignit son village en courant, le kazan à ses talons. Son village avait évolué et ses terres étaient resplendissantes. Les deux chênes dont il avait mis le gland en terre se dressaient fièrement sur plusieurs mètres et leurs racines avaient été enlacés jusqu’à former un pont au-dessus de la rivière pour atteindre les champs. Ces derniers étaient encadrés par de somptueuses barrières en bois, des chemins de gravies permettaient de circuler aisément entre les différentes parcelles. Quant aux arbres fruitiers, ils étaient grands et généreux.
Une personne s’exclama derrière lui avec choc, il se retourna donc et découvrir un jeune homme accompagné d’un couple plus âgé et d’un enfant. Il reconnut un des trois Elfes comme étant sa razna désormais remariée, il put ainsi aisément déduire que l’adulte n’était autre que son fils qui tenait la main de sa propre progéniture. Sa quête pour gagner du temps lui avait apporté mille aventures et expériences, mais il était malheureusement passé à côté de ce à quoi il tenait le plus : les personnes qu’il aimait ainsi que la vie qu’il avait avec eux.
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